Aucune molécule ne doit rester immobile !

Article par Samantha Cristoforetti

Dans le cadre de mon entraînement sur les systèmes de la Station Spatiale Internationale (ISS) j’ai passé mon examen ECLSS il y a quelques semaines au Centre Spatial Johnson à Houston. ECLSS signifie Environmental Control and Life Support System (Système de support de vie et de contrôle environnemental) et c’est l’un des systèmes de l’ISS avec lequel l’équipage interagit le plus. Ce que la nature fait pour nous lorsque nous sommes sur la planète, nous devons le construire pour nous-même lorsque nous sommes dans l’espace. Des choses comme l’eau ou la gestion des déchets occupent également beaucoup notre esprit sur terre, puisque nous réalisons que nous sommes peut-être entrain de pousser les limites de capacité de la nature pour subvenir à nos besoins. Mais qu’en est-il de quelque chose d’aussi simple que la circulation de l’air ?

André Kuipers effectue une inspection et le nettoyage des systèmes de ventilation de Columbus (Credit : NASA)

André Kuipers effectue une inspection et le nettoyage des systèmes de ventilation de Columbus (Credit : NASA)

Si vous habitez dans une partie du monde où il fait parfois chaud, vous pouvez avoir l’utilité de ventilateurs dans votre maison pour faire circuler l’air et rendre la chaleur plus supportable. S’il fait souvent très chaud, vous pouvez même avoir un système d’air conditionné dans votre maison pour le confort. Mais avez-vous pensé à une situation dans laquelle votre santé, votre sécurité et même votre vie dépendrait du fonctionnement constant d’un système de ventilation ?

C’est le cas dans la Station Spatiale Internationale. L’une des conséquences de la gravité que nous tenons pour acquis sur notre planète est la convection naturelle : nous savons tous que l’air chaud monte et que l’air froid descend, n’est-ce pas ? C’est l’un des principaux moteurs de nos phénomènes météorologiques, et c’est également la raison pour laquelle la chaleur des radiateurs est bien répartie dans nos maisons.

Cet effet de poussée hydrostatique n’existe pas en micro-gravité, par conséquent dans l’ISS nous recourons à la convection forcée. Un système soigneusement conçu de conduits, de ventilateurs et de grilles crée un flux d’air notoire qui satisfait les besoins pour la santé et le confort des astronautes ainsi que les exigences d’un certain nombre de sous-systèmes.

Tout d’abord, nous avons besoin d’une circulation d’air forcée pour avoir un mélange correct des composants de l’atmosphère. Imaginez ce qui arriverait si ce n’était pas le cas : lorsque les membres d’équipage respirent, ils exhalent de l’air enrichi en CO2 et sans ventilation, la concentration de CO2 dans l’air entourant leur tête atteindrait des niveaux dangereux. Un petit peu comme respirer dans un sac ! Par conséquent nous introduisons constamment de l’oxygène dans l’atmosphère de l’ISS pour compenser la consommation de l’équipage. Le Système de Génération d’Oxygène (OGS) a une sortie dans la cabine et nous comptons sur la ventilation inter-module pour distribuer l’oxygène à travers la station. Sans le système de ventilation, non seulement l’oxygène nouvellement produit n’atteindrait pas tous les modules, mais la poche d’oxygène concentré formée à la sortie de l’OGS causerait un risque d’incendie.

André Kuipers effectue une inspection et le nettoyage des systèmes de ventilation de Columbus (Credit : NASA)

André Kuipers effectue une inspection et le nettoyage des systèmes de ventilation de Columbus (Credit : NASA)

En plus de maintenir une composition atmosphérique homogène, le système de ventilation fait également en sorte que toute l’air circule à travers un certain nombre de sous-systèmes. Souvenez-vous, par exemple, que nous ne faisons pas pousser des plantes dans l’ISS. Nous avons donc besoin de composants dédiés appelés Carbon Dioxide Removal Assemblies (assemblages d’élimination du dioxyde de carbone) pour extraire le CO2 de l’atmosphère de la station. Et bien sûr nous voulons que l’air s’écoule à travers notre système d’air conditionné qui non seulement fournit du refroidissement, mais supprime également l’humidité produite par la respiration et la transpiration des membres d’équipage. A ce propos, le condensat récupéré de l’atmosphère n’est pas perdu, nous avons un moyen pour le transformer en eau potable. Mais cela mériterait sa propre histoire.

J’aimerais également mentionner un aspect de la sécurité qui pourrait ne pas être si évident. La capacité de détection automatique d’incendie dans l’ISS est dépendant du fonctionnement de la ventilation : pour qu’il fonctionne, nous avons besoin de faire circuler l’air dans les détecteurs de fumée qui sont généralement placés dans des conduits d’air et devant des grilles d’entrée. Si la ventilation dans l’ISS devait s’arrêter, vous remarqueriez peut-être sur NASA TV que les membres d’équipage vérifieraient périodiquement chaque module pour rechercher une odeur de brûlé. Comme on nous l’apprend pendant l’entraînement, sans ventilation l’équipage est primordial pour la détection d’incendie !

Enfin et surtout la ventilation contribue au rafraîchissement de certains composants. Cela est particulièrement vrai dans le segment russe, a tel point qu’il y a des limites strictes sur l’ouverture des panneaux muraux, puisque cela cause inévitablement des perturbations dans le flux de circulation de l’air.

Robonaut mesure le débit d'air pour la première fois dans l'ISS (Credit : NASA/ESA)

Robonaut mesure le débit d’air pour la première fois dans l’ISS (Credit : NASA/ESA)

A présent je suis sûre que vous serez d’accord que le maintien d’un débit d’air nominal dans la station est d’une importance primordiale. C’est pourquoi l’équipage est tenu de s’assurer que les arrivées et les sorties d’air ne sont jamais obstruées. De plus, le nettoyage des grilles et des filtres fait partie des activités régulières de nettoyage du week-end.

Les membres d’équipage doivent aussi réaliser régulièrement la mesure du champs de vitesse devant les grilles de sortie, afin que les experts au sol puissent en déduire des informations sur la santé du système de ventilation. Je l’admets, c’est un peu une tâche fastidieuse, mais qui demande de la précision et une main sûre. C’est probablement pourquoi c’était la toute première tâche que Robonaut 2 a eu la chance de tester à bord il y a quelques semaines. Qui sait, le jour où j’irai moi-même à bord de l’ISS, R2 sera peut-être complètement en charge de cette tâche. Vas-y R2 !

 

 

Cet article a été écrit par Samantha Cristoforetti, l’un des six astronautes recrutés par l’Agence Spatiale Européenne en 2009. Leur groupe a été baptisé les Shenanigans. Vous pourrez lire la version originale de cet article en anglais sur le site de l’ESA ici : No molecule shall stand still !

 

 

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