Des fourmis extraterrestres

La Station Spatiale Internationale étant un laboratoire scientifique, il n’est pas rare d’y trouver des animaux. L’ISS a déjà hébergé des abeilles, des bombyx, des papillons, des poissons, des vers (des C. elegans), des araignées, sans oublier des œufs d’animaux divers ou des animaux invertébrés comme les tardigrades.

Fourmi Tetramorium Caespitum (Crédits: alexanderwild.com)

Fourmi Tetramorium Caespitum (Crédits: alexanderwild.com)

La dernière expérience en date, concerne des fourmis (de l’espèce des Tetramorium caespitum). Elle est arrivée à bord de l’ISS le 12 janvier, via le Cygnus, le cargo de ravitaillement d’Orbital Sciences et a été activée le 13 janvier par l’astronaute américain Rick Mastracchio. Il s’agit d’une expérience ayant pour but de comparer les différences de comportement entre un groupe de fourmis soumis à la microgravité et un groupe de fourmis soumis à une gravité normale.

Dans une colonie de fourmis il n’y a pas de leader : aucune fourmi ne dirige le comportement d’un groupe de fourmis ni ne décide ce qu’une autre fourmi doit faire. Lorsque des fourmis doivent parcourir une zone pour rechercher de la nourriture par exemple, elles ne peuvent pas, comme les humains, se répartir la zone à explorer. La façon dont elles vont parcourir cette zone va dépendre de la densité de fourmis que celle-ci contient : si une fourmi estime qu’elle se trouve dans une zone dense en fourmis, c’est à dire si elle entre souvent en contact via ses antennes avec d’autres fourmis, elle va adopter un chemin aléatoire pour explorer le lieu où elle se trouve, ce qui l’amènera à se déplacer de façon circulaire et à rester à peu près au même endroit. Par contre si une fourmi estime qu’elle se trouve dans une zone où il y a peu de fourmis, c’est à dire si elle entre rarement en contact avec ses congénères, elle va adopter une trajectoire plutôt rectiligne afin de couvrir le plus de territoire possible.

Avec l’absence de gravité, les fourmis ont moins le contrôle de leurs mouvements, le contact entre deux fourmis peut ne pas se faire aussi bien que sur Terre. L’étude cherche à répondre à deux questions : Est-ce que l’absence de gravité va influencer l’évaluation par les fourmis de la densité et est-ce que la forme du chemin parcouru diffère en microgravité ?

Concrètement comment se déroule l’expérience ?

Quatre habitats, chacun étant divisé en trois zones et contenant 100 fourmis (Crédits : BioServe Space Technologies)

Quatre habitats, chacun étant divisé en trois zones et contenant 100 fourmis (Crédits : BioServe Space Technologies)

L’expérience consiste en huit habitats hébergeant chacun une centaine de fourmis. Ce qui fait donc huit cents fourmis. Chaque habitat est divisé en trois zones, chacune étant séparée de sa voisine par une porte : une zone humide de nid, une petite zone de nourriture et une grande zone de nourriture. Pendant le transport vers l’ISS, les fourmis se trouvent dans la zone humide. Une fois à bord de la Station, un astronaute ouvre la porte entre la zone du nid et la petite zone de nourriture. Pendant 25 minutes, les fourmis se répandent à travers cette zone. Il s’agit donc de la partie « forte densité » de l’expérience. Le trajet des fourmis est enregistré par une caméra. Après 25 minutes, l’astronaute va ouvrir la porte entre la petite et la grande zone de nourriture afin de débuter la partie « faible densité » de l’expérience. L’enregistrement vidéo continue encore pendant 30 minutes à la suite de quoi, l’expérience est considérée comme achevée.

En parallèle, aux Etats-Unis, des élèves de plusieurs classes de maternelle, primaire et secondaire (i.e. jusqu’au lycée) pourront observer les vidéos des fourmis présentes dans l’ISS mais aussi conduire leurs propres expériences dans leur salle de classe sur leurs propres groupes de fourmis pour pouvoir établir une comparaison.

Des caméras vont enregistrer les fourmis qui vivent à bord de la Station Spatiale ainsi que celles qui servent de « contrôle » dans les salle de classe et des logiciels vont analyser leurs déplacements et les taux d’interaction.

Qu’est-ce que les résultats vont permettre de comprendre ?

Les résultats de cette expérience pourraient fournir un aperçu de la façon dont les fourmis régulent les interactions dans des conditions normales.

De plus, on n’en sait pas beaucoup sur la façon dont les fourmis contrôlent la forme du chemin qu’elles effectuent et les résultats pourraient donner des indices sur comment les fourmis génèrent des chemins aléatoires ou des chemins plus rectilignes.

Finalement, les résultats pourraient aider à élucider comment les fourmis coordonnent leur comportement et cela pourrait avoir une application dans d’autres systèmes basés sur des algorithmes distribués, comme par exemple des robots déployés sur des missions de recherche et sauvetage (certains de ces robots ont été testés lors des attentats de 11 septembre pour la recherche de victimes sous les décombres, mais sans donner de résultats probants).

Les premières constatations, suite à l’activation de deux habitats sont que les fourmis, même en ayant un plafond bas et donc ne flottant pas vraiment dans leur environnement, ont eu du mal à se déplacer et leurs interactions les unes avec les autres ont été influencées par l’absence de gravité. Deborah Gordon, qui est la scientifique en charge de l’expérience à l’Université de Stanford, indique que les déplacements vont être analysés pour voir comment les fourmis ont utilisé le taux d’interaction (le nombre de fois où elles ont touché leurs congénères) pour ajuster leur recherche.

 

Sources : 

– Vidéos en anglais ici, ici, ici et ici
– Sur le site de la NASA, fiche de l’expérience (en anglais)
– Article Wikipedia en anglais sur les animaux ayant séjourné dans l’espace

 

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