Léthargie technique – ou ce que nous pouvons apprendre des écoliers

Le flux perpétuel d’informations techniques pendant mon entraînement, associé au fait que je suis constamment avec des collègues qui ont soit déjà volé à bord de l’ISS, soit sont en train de voler ou vont le faire, m’ont fait craindre pendant un moment que le romantisme que j’avais auparavant quand je pensais à l’Espace ou bien lorsque je regardais des photos de la Terre n’ait disparu.

Alors qu’auparavant mon cœur s’accélérait de dix battements par minutes lorsque j’étais un petit garçon et que je voyais une Station Spatiale de l’extérieur avec la Terre en arrière-plan, après un an d’entraînement technique je ne vois plus, à ma grande horreur, que des modules, des antennes, des mains courantes pour les sorties extérieures, des câbles et des bras robotiques. Je ne remarque même plus la Terre bleue en arrière-plan. C’est vraiment dommage, mais c’est sans doutes la seule manière pour mon esprit de se tenir prêt pour ce travail unique et renversant.

Alexander Gerst pendant la journée aérospatiale allemande 2013

Pendant la journée aérospatiale allemande 2013. (Crédits : DLR)

La première fois que j’ai dû faire une visite guidée pour une classe du primaire qui visitait le Centre des Astronautes Européens (EAC) à Cologne, je m’inquiétais que ma léthargie technique ne soit découverte par l’un de ces bambins curieux (comme moi-même je l’étais). Mais ce qui m’avait rendu tout d’abord plus nerveux que d’assister à une éruption volcanique à 500 mètres de distance, s’est avéré être un vrai coup de chance pour moi. Dès que j’ai vu la lumière dans les yeux de ces enfants curieux qui grimpaient dans notre module d’entraînement du laboratoire spatial Columbus, le sentiment de faire partie de la plus grande aventure de l’humanité est revenu. Le temps de la visite j’étais de nouveau l’un d’eux. Un petit garçon qui pouvait difficilement attendre de parler à ses amis de cette aire de jeux d’aventure la plus géniale qu’il n’ait jamais découverte.

Alexander Gerst au bord d'un volcan en eruption

Pendant une expédition vulcanologique (Crédits : A. Gerst)

En attendant je me réjouis beaucoup de telles occasions, elles représentent pour moi, avec mon entraînement sportif, le contrepoids nécessaire à des centaines d’heures d’entraînement techniques, qui se trouvent entre moi et ma mission. Je suis sûr par ailleurs que chaque regard par la fenêtre de notre Station Spatiale rectifiera ma perspective. C’est pourquoi je considère cela comme l’une de mes tâches les plus importantes de saisir cette perspective et de la renvoyer à ces petits bonhommes (de tous ages) qui sont sur Terre.

Il est bon de savoir que l’enthousiasme enfantin qui m’a fait grimper sur chaque arbre il y a plus de 30 ans ne s’est jamais épuisé. Et je suis sûr qu’il est encore en chacun de nous. Celui qui ne le croit pas, doit lever les yeux vers la lune par une nuit sans nuages et s’imaginer quel sentiment cela a dû être de se tenir debout là-haut sur la lune et de regarder vers la Terre. Quand j’essaye d’imaginer cela, mon rythme cardiaque ne s’accélère pas de 10 battements, mais de 30.

Un jour Plutarque a dit que l’esprit n’est pas un navire à remplir mais un feu à allumer.

 

Astronaute Apollo 17 sur la lune avec la terre en arrière-plan

Astronaute Apollo 17 sur la lune avec la terre en arrière-plan (Crédits : NASA)

 

Alexander Gerst est le prochain astronaute de la promotion 2009 de l'ESA (baptisée Shenanigans) à séjourner à bord de la Station Spatiale Internationale pendant environ six mois à partir du 28 mai 2014.
Ceci est la traduction (tirée de l'allemand) d'un article publié le 24 février 2014 sur son blog : Technische Lethargie - Oder was wir von Schulkindern lernen können

 

 

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