Tout ce que j’ai besoin de savoir pour aller dans l’espace je l’ai appris en Alaska…

Article par Samantha Cristoforetti

En route vers le glacier - Frisquet ! (Credit : NOLS/Ashley Wise)

En route vers le glacier – Frisquet ! (Credit : NOLS/Ashley Wise)

Et bien non, pas vraiment. J’ai seulement commencé à m’attaquer à la grande quantité de compétences et de connaissances requises pour mon voyage vers le pas de tir. Pourtant, les sept jours que j’ai passés à faire du kayak et camper en Alaska en septembre dernier sous la direction experte de deux instructeurs NOLS formidables, Josh et Ashley, m’ont appris beaucoup de leçons qui j’espère feront de moi un meilleur membre d’équipage de la Station Spatiale Internationale.

Les expéditions NOLS sont l’un des quelques entraînements en milieu analogue à l’espace qui sont destinés à favoriser l’esprit d’équipe et à pratiquer les compétences « Comportement humain et performance » – biens personnels intangibles, pourtant inestimables, allant de meneur/suiveur (leadership/followership) et prise de décision à connaissance de soi et communication, juste pour en nommer quelques-unes. (Deux entraînements supplémentaires en milieux analogue à l’espace sont NEEMO et CAVES – Si vous ne l’avez pas déjà fait, allez lire les posts de Tim et Andy sur ce blog !)

Photo de groupe au Herring Canal.

Photo de groupe au Herring Canal. Nous avons profité de l’après-midi ensoleillé pour prendre notre photo de groupe! (Credit : NOLS/Ashley Wise)

J’ai eu le privilège de partager l’expérience avec trois astronautes vétérans de la NASA et aviateurs militaires – Jeff Williams, Terry Virts et Barry « Butch » Wilmore – et deux membres de la promotion-sœur NASA/JAXA des Shenanigans, les « Chumps » : Kimiya Yui, lui-même pilote d’essai militaire, et Kjell Lindgren, un médecin spécialisé en médecine d’urgence et ancien médecin de vol. Et bien sûr, l’équipe n’aurait pas été complète sans quelques représentants remarquables des opérations au sol : le CAPCOM Hal Getzelman et Le Directeur de Vol en chef de l’expédition 42 Tomas Gonzalez Torres.

Retour dans le kayak. Le premier jour nous avons dû prouver qu'en cas de retournement nous étions capable de nous extraire du kayak, le retourner et remonter à l'intérieur. Comme exercice supplémentaire nous l'avons refait trois fois... involontairement :) (Credit : NOLS/Ashley Wise)

Retour dans le kayak. Le premier jour nous avons dû prouver qu’en cas de retournement nous étions capable de nous extraire du kayak, le retourner et remonter à l’intérieur. Comme exercice supplémentaire nous l’avons refait trois fois… involontairement 🙂 (Credit : NOLS/Ashley Wise)

Nous sommes partis pour un itinéraire ambitieux d’une semaine en kayak – des tentes, des bâches, du carburant et des fournitures de cuisine emballés dans nos kayaks sur le trajet menant d’un campement à l’autre, explorant en chemin les beautés de la Baie du Prince-William.

Mais la météo de septembre en Alaska nous a obligé à changer considérablement nos plans. Des mers plus hautes que nos compétences en kayak pourraient maîtriser nous ont empêchés de pagayer pendant plusieurs jours. Des vents forts nous ont forcés à porter notre attention vers le maintien d’un campement sûr et fonctionnel, pendant que les températures froides et les pluies torrentielles étaient nos compagnons les plus fidèles. Cependant nous avons passé un grand moment ensemble et nous avons appris beaucoup sur chacun de nous et sur la façon de relever des défis en équipe.

Voici quelques leçons dont je veux me souvenir et partager :

1. Soyez respectueux et intéressez-vous aux autres.
Lorsque je repense à notre semaine en Alaska, je ne peux m’empêcher de m’émerveiller devant l’atmosphère chaleureuse et le bon esprit des gens, même lorsque nous étions frigorifiés, mouillés et contraints à l’inactivité pendant plusieurs jours à cause de conditions météorologiques défavorables. Je pense que nous étions un groupe avec une bonne tolérance à l’adversité, mais ce qui nous a réellement rendu fort, à mon avis, c’est le respect inconditionnel que nous nous portions les uns aux autres et l’intérêt authentique que nous avions les uns pour les autres.

 

Feu de camp. L'après-midi ensoleillé nous a même permis de faire un feu de camp! (Credit : NOLS/Ashley Wise)

Feu de camp. L’après-midi ensoleillé nous a même permis de faire un feu de camp! (Credit : NOLS/Ashley Wise)

2. Faites toujours attention aux détails. Pas d’excuses.
Il est tenu pour acquis que les astronautes possèdent les compétences requises pour un vol spatial: des années d’entraînement sont consacrées à faire en sorte que cela soit le cas. Ce qui fait la différence, dans le travail quotidien c’est l’attention que vous portez à chaque détail. Sur le terrain ou dans l’espace, l’inconfort physique peut vous distraire, mais ce n’est pas une excuse. Vos doigts peuvent être engourdis par l’eau froide et vous pouvez être impatient de vous changer et mettre des vêtements plus chauds, mais vous devez quand même consacrer tout le temps et l’attention nécessaire à chacun de ces nœuds, pour être sûr que la tente est bien sécurisée. Lorsque le vent forcira la nuit, vous serez bien content de l’avoir fait.

3. Réfléchissez activement à la façon dont vous pouvez aider.
Cela peut être le remplissage de sacs d’eau à la rivière, déplacer une tente qui était sur le point d’être inondée, sortir sous la pluie pour faire la vaisselle sur la rive ou faire bouillir de l’eau pour le groupe, pendant tout le voyage chaque tâche a été immédiatement et spontanément prise en charge par quelqu’un remarquant le besoin et étant volontaire pour s’en charger. Je pense que c’est ainsi que doit fonctionner le meilleur des équipages de l’ISS.

 

Faire la vaisselle sur la rive. Pas de savon - juste frotter beaucoup avec le gravier ! (Credit : NOLS/Ashley Wise)

Faire la vaisselle sur la rive. Pas de savon – juste frotter beaucoup avec le gravier ! (Credit : NOLS/Ashley Wise)

4. Prenez soin de votre équipement.
Que ce soit dans un campement isolé en Alaska ou à bord de l’ISS, vous ne pouvez pas juste vous arrêtez dans une boutique pour acheter de nouveaux vêtements ou équipements. Et pourtant cela requiert de la discipline et un effort conscient pour simplement garder la trace de tout votre équipement. Il m’a fallu jusqu’à la fin du voyage pour trouver un moyen raisonnable d’organiser mes sacs d’eau étanches -et j’étais encore en phase d’apprentissage. Pas étonnant que la gestion des stocks soit un gros problème sur l’ISS.

5. Prenez soin de vous-même.
Prendre soin de soi-même est la première étape dans l’accomplissement de vos devoirs envers le groupe. Si vous négligez de prendre soin de vous-même, vous allez devenir un handicap pour l’équipe. Sur le terrain ou dans l’espace, il est de votre responsabilité de rester en bonne santé et d’avoir un bon moral.

6. Demandez de l’aide quand vous en avez besoin. Si on vous propose de l’aide, acceptez-la.
En dépit de tous vos efforts pour prendre soin de vous-même, vous pouvez avoir besoin d’un peu d’aide de temps en temps. Prenez la parole et demandez de l’aide, tant que le problème reste gérable. Acceptez l’aide qui vous est offerte. Merci beaucoup Ashley pour m’avoir offert ce bonnet chaud et cette thermos d’eau chaude lorsque mes lèvres sont devenues bleues dans le kayak !

 

20121020 Pelle et spray pour les toilettes

Le kit pour le « séjour dans le buisson ». Une pelle pour creuser vos toilettes et du spray au poivre pour le cas où un ours se dirige vers vous. (Credit : NOLS/Ashley Wise)

7. Nettoyez après vous.
Dans les campements en Alaska ou dans l’ISS, personne ne veut nettoyer votre désordre. Laissez la place telle que vous l’avez trouvée, voire même un peu mieux. Même si cela signifie creuser une « toilette » avec une pelle et utiliser de la sphaigne plutôt que du papier toilette.

8. Surmontez l’inertie.
Relativement tôt dans notre voyage nous avons été forcé d’accepter le fait que les conditions météos défavorables ne nous permettraient pas d’utiliser le Kayak la plupart du temps. En fait, lorsque des vents de la force d’un ouragan ont été prévus dans la région de la Baie du Prince-William nous avons dû porter nos efforts sur l’évaluation des risques relatifs au mauvais temps et les atténuer par la sélection d’un emplacement approprié et sa configuration plutôt que sur l’idée de faire du Kayak. Cependant, lors de notre dernier jour complet sur le terrain le temps semblait permettre au moins la possibilité de faire environ 12 miles de Kayak et de déplacer le campement à l’extérieur de notre canal protégé. Pourtant le vent froid et la pluie torrentielle ne rendait pas l’idée très attrayante.

Bateau venant nous chercher. Ce sera un trajet chaotique ! (Credit : ESA/Samantha Cristoforetti)

Bateau venant nous chercher. Ce sera un trajet chaotique ! (Credit : ESA/Samantha Cristoforetti)

Il aurait été facile de s’installer dans la routine dans laquelle nous étions contraints, peut-être juste s’aventurer pour pagayer dans le coin, sachant que nous serions en mesure de revenir à notre campement familier. Pas de risques d’hypothermie, pas d’incertitude liée à la météo à l’extérieur de notre canal ou à notre nouveau campement. Pourtant, après quelques discussions, nous avons décidé que tous les risques et les incertitudes étaient gérables. Nous avons été capable de sortir du piège de l’inertie et nous remettre en cause pour vraiment déplacer le campement pour la première fois sous des conditions météos plutôt difficiles. Lorsque nous sommes arrivés à notre destination à Hobo Bay, nous avons été récompensés par la beauté intense de notre nouveau campement et par un cadeau inattendu – une pause de la pluie dans la soirée ! Mais notre plus grande récompense a été un véritable sentiment d’un travail d’équipe accompli.

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Cet article a été écrit par Samantha Cristoforetti, l’un des six astronautes recrutés par l’Agence Spatiale Européenne en 2009. Leur groupe a été baptisé les Shenanigans. Vous pourrez lire la version originale de cet article en anglais sur le site de l’ESA ici : All I need to know to fly to space I learned in Alaska...

 

 

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