L-46 : Je ne retrouverai mon propre lit que dans huit mois…
L-46 : Mercredi 8 octobre 2014
Débordée, débordée, débordée ! Au cours de ces trois dernières années, chaque fois que j’ai quitté mon appartement pour attraper un train pour l’aéroport de Francfort pour me rendre quelque part dans le monde pour l’entraînement, mes valises étaient prêtes lorsqu’il était temps de partir… et je veux dire exactement à ce moment-là, pas une minute plus tôt. Et chaque fois j’ai prié l’ange gardien des astronautes pour ne rien oublier (ou du moins rien d’important) de ma liste de plus en plus conséquente des choses à emporter.
Pourquoi est-ce que cela devrait être différent aujourd’hui ? Peut-être parce que je verrai Cologne de nombreuses fois depuis l’espace (si la couverture nuageuse le permet) avant que je ne revienne ? Ou parce que j’ai un ticket aller simple pour la Russie dans ma poche – ou plutôt, dans mon smartphone ? Ou parce que j’ai un visa Kazakh dans mon passeport ?
Ou peut-être parce que j’ai beaucoup d’objets uniques dans mon bagage à main. Beaucoup de petits souvenirs que je vais emmener avec moi pour la famille et les amis proches dans mes 1,5kg d’allocation personnelle dans le Soyouz, par exemple… ce n’est pas quelque chose que je voudrais perdre pendant le trajet vers l’espace (ou lors du retour) et certainement pas pendant le voyage pour Moscou.
Mais je transporte également mon IMAK Soyouz. Non, je ne me souviens plus à quoi correspond l’accronyme, désolée. Mais « Médical » et « Kit » en font certainement partie. L’IMAK est comme votre petite trousse médicale de voyage. Il y en a une plus grosse pour chaque membre d’équipage dans l’ISS, mais nous en transportons une plus petite dans le Soyouz – C’est une précaution nécessaire, spécialement si quelque chose se passait mal avec notre profil de six heures entre le lancement et l’amarrage et que nous devions passer deux jours dans le Soyouz avant d’arriver à la Station.
Et je transporte également mon kit d’équipage personnel. C’est un certain nombre d’objets que vous portez en quelque sorte sur vous pendant le voyage vers l’orbite : votre tablette de genoux avec crayons et stylos (et leurs attaches), des bandes velcro, votre chronomètre portable, votre lampe de poche et oui… le sac emesis. C’est un mot raffiné pour ce sac qui devient utile si votre dernier repas sur Terre ne veut tout simplement pas rester dans votre estomac…
Quoi qu’il en soit, me voici maintenant. L’embarquement est presque terminé sur mon dernier vol commercial : atterrissage à Moscou tard ce soir, prête à reprendre l’entraînement à Star City de bonne heure demain.
Au fait, d’après ma fiche de mission, je ne vais pas seulement me rendre en orbite terrestre basse (Youpie !), mais je vais aussi me rendre en zone neutre. Regardez bien ! J’espère que ces Romuliens resteront en place.
Cette note est la suite d’une longue série de notes de Samantha Cristoforetti qui a entrepris l’écriture d’un journal de bord quotidien qui la mènera au jour de son lancement, pour le moment prévu le 24 novembre 2014.
La version anglaise (originale) peut être consultée sur son compte Google+ et la traduction italienne sur le site AstronautiNEWS. Toutes les photos postées sont sa propriété et proviennent de son journal de bord sur son compte Google+.