L+200 : Derniers instants en apesanteur – 3ème Partie

Ceci est la troisième entrée d’une série de journaux qui reviennent sur le départ, l’atterrissage et la réadaptation !

L+200 : Jeudi 11 Juin 2015

[Suite] Après avoir dépressurisé le vestibule, nous avons observé pendant quelques minutes les indications de pression pour le module de descente et le module orbital de notre Soyouz : les deux étaient stables, il n’y avait donc pas de fuite rapide apparente.  (Pas que nous en espérions une !). Bien sûr, nous devions également vérifier l’absence d’une fuite lente, avant que nous nous engagions dans le départ de la Station et que nous comptions sur la trappe du Soyouz pour conserver notre air à l’intérieur. Le contrôle d’étanchéité durait 30 minutes, avec des mesures de la pression du vestibule enregistrées toutes les cinq minutes, mais  comme il n’y avait pas de chute rapide de la pression, on pouvait en toute sécurité rouvrir la trappe du module de descente et revenir dans le module orbital pour enfiler nos combinaisons Sokol.

J’y suis allée en premier, comme nous l’avions décidé. Anton et Terry sont restés dans le module de descente pendant que j’utilisais les toilettes du Soyouz. Je voulais vider ma vessie aussi tard que possible : j’ai porté une couche, mais je n’étais pas sûre que je serais capable de l’utiliser dans les quelques heures d’apesanteur qui restaient encore entre nous et l’allumage de désorbitation. D’une certaine manière, les couches et l’apesanteur ne s’entendent pas très bien avec moi, comme j’ai pu l’expérimenter pendant l’ascension.

J’ai enfilé ma ceinture biomédicale en contact direct avec la peau, puis mon sous-vêtement Sokol, annonçant régulièrement à Anton et Terry les relevés de pression du vestibule du manovacuomètre, afin qu’ils puissent les transmettre au sol. Au cours des 30 minutes, l’augmentation de la pression maximale autorisée pour considérer les trappes hermétiques était de 1mm Hg (1 millimètre de mercure, NdlT).

Anton m’a rejoint dans le module orbital pour m’aider à enfiler le Sokol. Pour que les choses ailles plus vite, je me tenais aussi immobile que possible et je laissais Anton s’occuper de tout attacher et zipper. L’une des choses cool d’être un astronaute : vous pouvez laisser quelqu’un d’autre vous habiller en tant qu’adulte et personne ne se moque de vous !

 

Dans le Sokol, quelques jours avant le désamarrage, pour un contrôle d'étanchéité préliminaire.

Dans le Sokol, quelques jours avant le désamarrage, pour un contrôle d’étanchéité préliminaire.

 

Comme l’a souligné Anton, nous ne disposions pas de beaucoup de temps. A cause d’un test des antennes Kurs, qui allait s’exécuter en arrière-plan pendant notre désamarrage, le sol allait envoyer les commandes d’activation du système de guidage et de navigation plus d’une heure plus tôt qu’ils le feraient normalement sur un planning de jour de départ typique. Nous parlions déjà en Heure de Moscou à ce moment-là, puisque c’est le fuseau horaire sur lequel nous exécutons les opérations Soyouz : la nuit précédente, nous avions diligemment écrit les moments-clés dans nos check-lists, basés sur le radiogramme envoyé par le Centre de Contrôle de Moscou. Il n’y avait pas que le vide qui nous séparait maintenant de la Station Spatiale, mais en quelque sorte, trois heures également !

Après être entièrement revêtue de mon Sokol, qui me garderait en vie en cas de dépressurisation pendant la rentrée, j’ai pris une dernière gorgée d’eau d’un sac qui va rester dans le module orbital, j’ai attrapé un dernier snack, puis j’ai flotté vers mon siège, dans le module de descente. Il ne m’a pas échappé que je vivais mes toutes dernières secondes de flottement libre : une fois sanglée dans mon siège, je ne me détacherais qu’après l’atterrissage sur Terre. [A suivre]

 

Cette note est la suite d’une longue série de notes de Samantha Cristoforetti, astronaute italienne de l'ESA, qui a entrepris l’écriture d’un journal de bord quotidien relatant son entraînement pour sa mission spatiale à bord de l'ISS. Samantha s'est envolée de Baïkonour à bord d'une fusée Soyouz le 23 novembre 2014 et est rentrée sur Terre le 11 Juin 2015.
La version anglaise (originale) peut être consultée sur son compte Google+ et la traduction italienne sur le site AstronautiNEWS. 
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Toutes les photos postées proviennent de son journal de bord sur son compte Google+.

 

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