Nous espérons le meilleur, mais nous nous préparons au pire

Article par Samantha Cristoforetti

Mon collègue astronaute de l'ESA Alexander Gerst ramenant dans le sas son équipier "inconscient" Reid Wiseman pendant un scénario de sauvetage pratique dans le NBL (Photo : Alexander Gerst)

Mon collègue astronaute de l’ESA Alexander Gerst ramenant dans le sas son équipier « inconscient » Reid Wiseman pendant un scénario de sauvetage pratique dans le NBL (Photo : Alexander Gerst)

La plupart des astronautes rêvent d’avoir l’opportunité de faire une sortie dans l’espace au moins une fois dans leur carrière et je ne fais pas exception à la règle. Il y a quelque chose d’attirant concernant l’idée de laisser derrière soi la sécurité relative de la station spatiale et porter son propre petit vaisseau spatial, concernant la pensée de visser des boulons pendant que les océans et les continents défilent majestueusement, concernant le défi représenté par l’activité la plus exigeante physiquement et mentalement à laquelle les membres d’équipage de l’ISS sont confrontés.

Il existe également des risques spécifiques inhérents à une sortie dans l’espace et l’un des scénarios les plus redoutés implique un astronaute devenu inconscient en raison d’un problème médical ou d’un dysfonctionnement de la combinaison pressurisée. Plus de 150 sorties extra-véhiculaires ont été réalisées pour assembler la Station Spatiale et un scénario aussi dramatique ne s’est jamais produit. Cependant, vous ne serez pas surpris d’entendre qu’il se matérialise plutôt souvent pendant l’entraînement dans le Laboratoire de Flottaison Neutre (Neutral Buoyancy Laboratory ou NBL).

Lors des sessions d’entraînement aux EVA, les futurs membres d’équipages doivent démontrer leur capacité à évacuer un ou une collègue astronaute inconscient(e) en le ramenant en toute sécurité dans le sas en moins de 30 minutes. J’ai eu la chance d’essayer le sauvetage pour la première fois jeudi dernier pendant une session de six heures dans le NBL avec l’astronaute vétéran Steven Swanson (Swanny).

Prête à être descendue dans l'eau pour une session d'entraînement dans le NBL. Remarquez la bobine d'un cordon de sécurité de 26m posée sur le sol. Le grand crochet attaché à l'avant est fixé à la structure après la sortie du sas, pendant que la bobine suit. (Credit : NASA)

Prête à être descendue dans l’eau pour une session d’entraînement dans le NBL. Remarquez la bobine d’un cordon de sécurité de 26m posée sur le sol. Le grand crochet attaché à l’avant est fixé à la structure après la sortie du sas, pendant que la bobine suit. (Credit : NASA)

Ceci étant mon premier essai de sauvetage, le scénario était extrêmement simple. Je savais à l’avance que Swanny allait simuler un évanouissement et j’étais juste à coté de lui sur la poutrelle. De plus, aucun de nous ne portait quelque chose à ce moment-là, et nous étions tous les deux fixés à la structure avec seulement nos attaches de sécurité respectives et une attache supplémentaire. Nous appelons celle-ci l’attache locale puisque nous l’attachons localement à notre lieu de travail pour pouvoir utiliser nos deux mains.

Les attaches de sécurité, d’autre part, sont de minces câbles en acier qui sont enroulés dans une bobine. Nous attachons une extrémité à la structure dès que nous franchissons le sas, et puisque nous transportons la bobine avec nous, le câble se déroule lorsque nous nous éloignons et s’enroule lorsque nous revenons. Si nous avons besoin d’aller loin sur la poutrelle, nous pourrions même avoir besoin de transporter un second cordon de sécurité à attacher lorsque le premier est terminé, et devoir faire l’échange au retour avec un coéquipier inconscient demanderait un temps précieux supplémentaire.

Mais cela n’était pas le cas pour moi lors de mon premier essai. J’ai simplement dû défaire l’attache locale de Swanny et l’utiliser pour la fixer à moi-même, puis ranger son cordon de sécurité, puisque nous serions tous les deux attachés par le mien. Cela semble rapide et facile n’est-ce pas ? Et bien, je suppose que cela aurait pu l’être. En réalité lorsque j’étais prête à bouger, j’ai réalisé que j’avais crée un enchevêtrement de cordons et que je devais prendre le temps de le défaire si je voulais aller quelque part. Cela m’a servi de leçon !

20120603 Chris Fuglesang en EVA

Mon collègue astronaute de l’ESA Chris Fuglesang debout sur une plate-forme à l’extrémité du bras robotique de la station, Canadarm2, pendant les opérations pour déplacer un chariot CETA sur l’ISS (Credit : NASA)

Rien n’est facile en combinaison, mais le sauvetage semble être une catégorie à part. C’est tout un défi de gérer la combinaison encombrante du coéquipier inconscient en le poussant ou le tirant par une attache, pendant qu’en même temps on s’assure qu’il ne se cogne pas dans la structure, et surtout pas avec la visière relativement fragile. Et c’est tout un défi de le ou la manoeuvrer dans le sas de façon rapide et d’entrer en second sans l’aide du collègue, ou au moins sans qu’il libère le passage. J’étais reconnaissante envers Swanny pour m’avoir montré des astuces de vétéran pour faire cela.

Coïncidence de la planification, j’ai eu mon premier scénario de sauvetage en tant qu’opérateur robotique dès le lendemain. Lorsque les membres d’équipage d’une EVA sont attachés au Système Manipulateur Robotique de la Station Spatiale (SSRMS), ou Canadarm2, ils doivent compter sur l’opérateur robotique pour les ramener rapidement et en toute sécurité à la structure en cas d’urgence. Une compétence de plus que j’essayerai d’acquérir au cours des prochaines semaines, mais les détails seront pour une prochaine fois…

 

Cet article a été écrit par Samantha Cristoforetti, l’un des six astronautes recrutés par l’Agence Spatiale Européenne en 2009. Leur groupe a été baptisé les Shenanigans. Vous pourrez lire la version originale de cet article en anglais sur le site de l’ESA ici : We expect the best, but prepare for the worse

 

 

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