Mes impressions sur Star City – Partie 2

Article par Samantha Cristoforetti

Je vais revenir à Star City samedi prochain pour suivre une formation à la survie dans l’eau avec mon équipage. J’ai pensé que ça serait le bon moment pour poster la seconde partie de « Mes Impressions sur Star City ». Voir ici la première partie.

[Suite.] Avant de partir pour le Kazakhstan, Scott et son équipage ont passé leurs examens finaux à Star City : deux jours complets de simulations respectivement sur le segment Russe de l’ISS et sur le Soyouz.

Examens finaux pour expedition 36

L’équipage de l’expédition 36, incluant mon collègue Shenanigan Luca, se tenant devant la commission pour leurs examens finaux (Crédits : GCTC)

J’étais particulièrement intéressée par ce dernier et mon propre emploi du temps d’entraînement m’a permis d’aller regarder pendant de courtes périodes tout au long de la journée. Le début d’une journée d’examen est très formel : l’équipage, vêtu de leur combinaison bleue, fait un rapport à la commission d’examen soigneusement vêtue dans le hall spacieux qui héberge quelques simulateurs Soyouz, chacun d’eux est une île isolée composée d’un module de descente et d’un module orbital empilés l’un au dessus de l’autre. Quelques marches recouvertes d’un tapis donnent l’accès à une « porte » au travers de laquelle on peut glisser dans les sièges du module de descente : une telle ouverture n’existe pas dans le vrai vaisseau, bien sûr, mais se hisser soi-même de la trappe du module orbital serait peu commode dans les conditions terrestres d’entraînement quotidien. Les cerveaux du simulateur sont logés dans des racks informatiques voisins : ce sont des répliques parfaites des ordinateurs qui volent sur le Soyouz actuel, de telle sorte que le simulateur réagit exactement comme le vrai vaisseau. De la salle de contrôle, les instructeurs peuvent observer l’équipage sur la caméra et voir exactement ce que les membres d’équipage voient sur les écrans du tableau de bord ainsi que sur la vue du périscope du Commandant. Il va sans dire qu’ils peuvent également suivre chaque saisie d’instructions par l’équipage et injecter toute sortes de dysfonctionnements, de la fuite dans la capsule à un capteur défectueux ou une valve coincée. Et bien sûr, toutes les pannes possibles d’ordinateur ou de moteur, qui sont tenus de se produire inévitablement lors de chaque jour d’entraînement.

Expedition 42 devant le simulateur Soyouz

Avec mes coéquipiers Anton et Terry devant le simulateur Soyouz

Le matin de l’examen, d’après un protocole bien établi, l’équipage est invité à choisir l’une des enveloppes scellées, chacune contenant une combinaison différente de dysfonctionnements et de pannes qui constitueront le scénario de l’examen. Bien sûr, l’équipage n’a pas le droit de lire le « ticket ». A la place ils sont envoyés au vestiaire pour vêtir leur combinaisons pressurisées Sokol. Pendant ce temps-là, les membres de la commission prennent place dans la salle de contrôle, de laquelle ils suivront l’examen sur les écrans et les images vidéos. Contrastant avec une certaine formalité rigide qui semble être une nécessité inévitable dans ces occasions, les examens finaux de l’équipage semblent également prendre parfois le caractère d’un événement social. Typiquement une foule considérable de personnes associées à diverses fonctions au sein du centre d’entraînement va se réunir dans la salle de contrôle du simulateur et suivre chaque action à la manière de fans de football dans le stade : Oui, il s’est souvenu à temps qu’il devait ouvrir la valve à oxygène ! Bravo, elle a rapidement remarqué cette panne délicate du capteur infrarouge ! Oh, non, ils n’auraient pas dû couper le moteur si rapidement ! Etc… Après un débriefing, au cours duquel les membres d’équipage sont autorisés, et même encouragés, à justifier leurs actions et se battre pour une meilleure note, la journée se termine dans de joyeuses célébrations lors d’un dîner lancé par l’équipage principal, qui est finalement entièrement certifié pour son vol spatial.

Luca s'enregistre pour son examen final

Luca s’enregistrant pour son examen Soyouz (Crédits : NASA)

Les examens finaux ne sont que l’un des nombreux événements qui marquent le passage des saisons à Star City et constituent une occasion pour la communauté de passer quelques heures joyeuses en charmante compagnie devant une table richement ornée. Les habitants de Star City, bien préparés, ont toujours un toast prêt, que ce soit pour marquer l’arrivée réussie d’un équipage dans la Station Spatiale ou leur retour sain et sauf sur Terre : allant d’anecdotes spirituelles à des dissertations philosophiques perspicaces, les toasts russes sont des hommages bien formulés à la bravoure, au dévouement, à l’amitié, à l’amour, à la famille, et toute autre vertus humaine qui pourrait inspirer un instructeur Soyouz de 80 ans ou la fille de 12 ans d’un cosmonaute. La compagnie rassemblée écoute dans un silence patient dans un crescendo d’enthousiasme retenu qui éclate, après l’exhortation traditionnelle “три, четыире” (trois, quatre) dans un tonitruant « Houra, houra, houra ! ».

Ceremonie d accueil pour le retour de l expedition 34

Cérémonie d’accueil pour le retour de l’équipage de l’expédition 34 Roman, Chris et Tom. Photo de groupe avec les cosmonautes participants (Crédits : GCTC)

Me voici donc, presque trois ans après ce premier marathon de toasts, au milieu d’une session d’entraînement de cinq semaines plutôt intense, au cours de laquelle j’ai commencé les scénarios de simulation de pilotage de Soyouz avec mon commandant, Anton Shkaplerov, et j’ai commencé à apprendre comment piloter manuellement le Soyouz dans les phases d’amarrage et de rentrée. Star City continue de respirer au rythme des départs et arrivés des équipages : aujourd’hui la communauté accueil le retour de Kevin Ford, Oleg Novitsky et Evgeny Tarelkin dans une cérémonie incluant le groupe de musique de l’école locale en tête du défilé traditionnel partant du monument de Gagarine. Je dois manquer la fête cependant : je suis programmée pour ma première session d’entraînement sous l’eau dans la combinaison spatiale Russe, accompagnée de mon collègue Shenanigan Alex. [A suivre…]

 

Cet article a été écrit par Samantha Cristoforetti, l’un des six astronautes recrutés par l’Agence Spatiale Européenne en 2009. Leur groupe a été baptisé les Shenanigans. Vous pourrez lire la version originale de cet article en anglais sur le site de l’ESA ici : Star City Impressions - Part 2

 

 

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